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Des étoiles plein les yeux
L’été dernier, la France montait sur le toit du monde en remportant le Coupe du Monde face à la Croatie. Une aventure qui aura tenu en haleine tous les passionnés de sport durant un mois. Cette année, aucun événement ne semblait avoir le potentiel pour rivaliser avec une année de Jeux Olympiques ou de Coupe du Monde et animer la période estivale. Toutefois, un événement est sorti du lot, offrant un spectacle et un engouement des plus rafraîchissants : le Tour de France 2019.
Un engouement au plus haut
Samedi 6 juillet 2019, le Tour de France prend le départ depuis Bruxelles. Comme un signe, Eddy Merckx, légende du cyclisme belge était présent pour donner le départ de la 106ème édition de la Grande Boucle qu’il a remporté cinq fois. Comme chaque année, l’attente est immense pour les français, Thibault Pinot et Romain Bardet apparaissent comme les meilleures chances françaises pour se parer de Jaune sur les Champs-Elysées après trois semaines de courses à travers le pays. Seul bémol, le dernier tricolore à avoir porté le maillot Jaune est Tony Gallopin lors du Tour de France 2014, cinq ans plus tard, se parer du Maillot Jaune pour un jour apparaît désormais comme une prouesse, mais alors le ramener à Paris apparaît comme un miracle.
Après deux étapes dans le plat pays, le Maillot Jaune est la propriété de Mike Teunissen, le néerlandais, vainqueur de la première étape le conserve lors du contre-la-montre par équipes. Jusque-là le scénario n’est pas idéal pour tous les spectateurs qui rêvaient de voir un français en Jaune. Et puis, lors de la troisième étape reliant Binche à Épernay, Julian Alaphilippe, meilleur grimpeur du Tour de France 2018 décide d’attaquer en solitaire à 16km de l’arrivée sans que personne ne puisse le reprendre. Premier vainqueur français sur cette édition du Tour, le puncheur fait coup double puisque son avance lui permet de prendre le Maillot Jaune, le tout au pays du champagne. Conscient d’avoir réalisé quelque chose de grand, Alaphilippe sait toutefois qu’il ne se bat pas pour le classement général, son objectif est atteint : porter le Maillot Jaune et profiter. Après la course, le coureur de la formation Deceunink-Quick Step ne cache pas sa joie mais garde aussi la tête sur les épaules :
« Ça va faire mal car il n’y a pas que la Planche des Belles-Filles. Il n’y a pas de secret, il faudra se faire plus mal que d’habitude. C’est une semaine extraordinaire, j’espère que ça va continuer. Je vais tout faire pour le conserver le plus longtemps possible, chaque jour est un bonus »
La Planche des Belles-Filles, théâtre de la première arrivée en altitude apparaît comme la première étape déterminante puisqu’elle permettra aux favoris de se jauger et de s’affronter pour la première fois. Si Alaphilippe sait qu’il ne joue pas dans la même cour, il va tout tenter pour conserver sa tunique dorée. Malheureusement, le scénario attendu n’est jamais arrivé puisque l’étape a été remportée par Dylan Teuns, le Belge ayant battu ses compagnons d’échappée et notamment Giulio Ciccone, nouveau maillot Jaune pour seulement six petites secondes.
Des français pleins de panache
Trois jours plus tard, lors de la neuvième étape, l’Italien porte le Maillot Jaune pour le troisième jour consécutif, attendant qu’un des favoris passe à l’attaque pour essayer de lui reprendre. Les coureurs, alors en route pour Saint-Étienne fait face à la dernière difficulté du jour lorsque Julian Alaphilippe… et Thibault Pinot décident de sortir du peloton, le premier pour tenter de reprendre son Maillot Jaune, le second pour tenter de s’en rapprocher. Alliant leurs forces, les deux français filaient vers la ligne d’arrivée, Pinot empochant la deuxième place de l’étape et Alaphilippe la troisième.
À ce moment-là, les deux français sont sur le podium du Tour de France 2019, l’engouement commence à monter et la côte de popularité des deux hommes bien que déjà élevée commence à s’envoler vers les sommets. Thibaut Pinot s’est considérablement rapproché du Maillot Jaune et constitue le principal espoir de victoire finale. Toutefois, la dixième allait réduire en cendres les espoirs du coureur de l’équipe Groupama-FDJ lorsque piégé par le vent lui et son équipe laissent s’échapper le peloton. Le temps perdu et les conséquences au classement général sont importants puisqu’il est éjecté du Top 10. La journée suivante, jour de repos pour le peloton, laissera au franc-comtois le temps de cogiter sur son erreur de la veille mais aussi de se reposer afin de pouvoir repartir à l’attaque et créer la surprise. C’est d’ailleurs cet état d’esprit qu’il affiche en conférence de presse :
« Il y a beaucoup de colère, de frustration aussi car on ne méritait pas […] J’ai les jambes, j’ai la rage. Je me suis toujours relevé. »
Un dénouement terrible
En route vers les Alpes, Pinot tenait parole en affichant un état d’esprit combatif afin de refaire son retard sur les autres favoris qui n’avaient pour le moment pas réussi à s’emparer du maillot de Julian Alaphilippe. La 14ème étape, à l’instar des précédentes étapes de montagne fut riche en émotions lorsque les deux protagonistes décidèrent de s’échapper pour aller empocher la victoire au sommet d’un col mythique : le Tourmalet. Thibaut Pinot devançant de six secondes son compagnon, le leader de la Groupama-FDJ se replaçait dans la course au Maillot Jaune à la hauteur des principaux favoris que sont Egan Bernal ou Geraint Thomas. A une semaine de la fin du Tour de France, les espoirs de revoir un français remporter le Maillot Jaune n’ont jamais été aussi grands, la dernière fois c’était Bernard Hinault en 1985.
Un dernier obstacle se dressait toutefois sur la route d’une victoire française, et pas des moindres puisque le peloton arrivait dans les Alpes, que les coureurs allaient aborder avec près de trois semaines de vélo dans les jambes. Alaphilippe toujours Maillot Jaune, Pinot en embuscade et dans une grande forme c’était le moment pour les français de briller. Cependant, les autres favoris avaient eux aussi l’occasion de se mettre en valeur, d’autant plus que le leader au général n’est pas un grimpeur et donc n’est pas à l’abri d’une défaillance. Avec 1’35’’ d’avance sur le britannique Geraint Thomas, Julian Alaphilippe reste lucide :
« Il suffit d’une défaillance, mon maillot ne tient qu’à un fil. […] Si je craque, j’espère que Thibaut Pinot reprendra le flambeau côté français »
La défaillance annoncée ne fut pas loin lors de la 18ème étape, premier volet de la grande explication alpestre. Avec trois cols au programme dont le mythique col du Galibier, le Maillot Jaune commençait à montrer ses limites passant au sommet avec 16 secondes de retard. Il en fallait toutefois plus pour qu’il cède son bien. Au prix d’une incroyable descente, à la frontière entre le cyclisme et l’équilibrisme, le français parvint à refaire son retard sur ses principaux concurrents et ainsi garder 1’30’’ d’avance Egan Bernal son nouveau dauphin.
Jusqu’ici, on ne s’attend pas à ce qui va se passer lors de la 19ème étape du Tour de France. Nos deux français avaient alors construit un véritable château de cartes, bâti d’exploits communs, d’émotions, de frissons et d’engouement populaire. Ce complexe édifice fut brutalement balayé lorsqu’après 38km, Thibault Pinot mit le pied à terre. Souffrant, le franc-comtois se résigne en larmes à l’abandon et voit ses chances s’envoler deux jours seulement avant l’arrivée à Paris. Pinot out, la pilule fut dure à avaler pour beaucoup de monde. Elle le fut encore plus lorsque Egan Bernal, jeune coureur Colombien, futur vainqueur du Tour de France, prit la décision d’attaquer à 6km du sommet du col de l’Iseran laissant alors tous ses rivaux sur place et notamment Julian Alaphilippe. Harassé par ces trois semaines, celui qui a gardé le Maillot Jaune durant 14 jours, devenant ainsi l’égal de Louison Bobet dut lui aussi se résigner à abandonner son bien. Cette 19ème étape ainsi que la 20ème ont été raccourcies pour des raisons de sécurité n’offrant que peu de changements au classement général si ce n’est la chute de Alaphilippe à la cinquième place du général.
Au final, en prenant un peu de recul sur cette 106ème édition du Tour de France. Le résultat importe peu. Ce que le public français retiendra c’est certes la victoire d’Egan Bernal, premier Colombien à remporter la Grande Boucle, mais c’est surtout trois semaines d’émotions intenses que le cyclisme français aura véhiculé durant ces trois semaines. Bien sûr on ne peut être que déçus qu’Alaphilippe ait perdu sa tunique emblématique après l’avoir porté durant 14 jours, un maillot qu’il aura défendu du mieux possible avec tout le panache et la joie qui le caractérise. On ne peut aussi que ressentir de la compassion pour Thibaut Pinot qui malgré les aléas n’a jamais baissé les bras jusqu’à cette fameuse 19ème étape, celle qui a vu tous les rêves tricolores s’effondrer.
Avec Egan Bernal, l’équipe Ineos (anciennement Sky) a remporté sept des huit dernières éditions du Tour de France laissant souvent peu de chances à ses concurrents et tuant le spectacle. Paradoxalement, cette année, le Tour s’est animé autour de deux français portés par un élan national encore plus fort que les années précédentes afin de porter deux hommes vers la victoire finale. Et même si aucun des deux n’est monté sur la plus haute marche du podium, celle réservée au vainqueur, ils auront toutefois réussi à fédérer grâce à leur incroyable envie et leur panache inégalable. Quelques jours après son abandon, Thibaut Pinot déclarait au journal L’Équipe : « Pour oublier tout ça, il faudra que je gagne le Tour », de son côté, le public français ne demande que ça.
Par Guillaume Moissinac
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